Marciac avec Terra Alter et Eauzons une ferme en Aquaponie : innovent. Mardi 11 octobre 2022.

    Cinq défections quelques heures avant le départ : preuve que les contraintes sanitaires rodent toujours ! Nous fûmes quand même une vingtaine à retrouver avec plaisir le chemin des innovations dans le Gers, pour stimuler notre réflexion, comme avant la Covid.

    A la sortie de Marciac, route de Mirande, au milieu de la ZA de Cagnan, récemment installée dans ces vastes bâtiments neufs municipaux, la SCIC (Société Coopérative d’Intérêt Collectif) Terra Alter nous accueille. Nous retrouvons Elodie Bonnemaison, toujours aussi dynamique, elle nous a organisé cette visite d’une plateforme de collecte et de transformation de légumes et de fruits bio, qui proviennent de plus de 50 producteurs, localisés surtout sur ces marges Occitanes et confins Aquitains. C’est en 2017 qu’avec d’autres salariés du Relais, déçus en différentes régions par les orientations de cette imposante friperie solidaire qui en définitive exporte plus de la moitié des dons plutôt, que de favoriser l’insertion en France, Elodie s’associe à la création du concept Terra Alter pour, avec la même démarche en faveur de l’insertion, mieux valoriser les produits bio trop dispersés sur le territoire.

    Le choix du Gers et de Marciac, outre un retour vers ses origines familiales, offre une bonne densité de producteurs. Pour les regrouper, dès l’origine, dans un monde trop soumis aux exigences abusives de la grande distribution, Elodie a affiché avec un certain cran, la volonté inverse de favoriser et de fidéliser d’abord ceux qui produisent. C’est en soi une petite révolution. Et ça marche ! Depuis quelques mois, la coopérative d’utilité sociale Terra Alter Gascogne, dont plus de la moitié de ses 17 salariés est réservée au public en difficulté, bénéficie désormais d’un espace très fonctionnel, aménagé selon ses besoins, puis loué par la municipalité exemplaire de Marciac, qui cherche à conforter les retombées économiques de son Festival de Jazz.

  

    Cet exposé musclé qui remet à sa place le rôle premier du producteur ne sous- estime pas les difficultés rencontrées. Que de fois a-t-il fallu interpeller les instances politiques et administratives de décision. Quelle lenteur avant de pouvoir franchir la « frontière » des Régions, vers le Béarn par exemple ou la Cuisine Centrale de Pau a pas mal tardé avant de s’ouvrir à la légumerie de Terra Alter et de comprendre qu’à terme même la Ceinture verte paloise pourrait bénéficier de complémentarités.

   Mais finalement les adhésions de producteurs bio se sont multipliées et confortent la structure qui avec un matériel très adapté de conservation peut désormais bien absorber les variations d’approvisionnement et de débouchés. Toute la chaîne du froid-surgélation, incluant une remarquable ventilation des chambres froides est particulièrement maîtrisée, ainsi que les circuits pour l’hygiène et la propreté. Car la clientèle des cantines scolaires , de la restauration collective, comme celle des restaurants ou de la grande distribution ont des  exigences spécifiques à satisfaire.

   

    Ci-dessus Elodie présente le conditionnement type en 5 kg de légumes qui peuvent être variés et prêts à l’emploi. Un clin d’œil entre santé et bio est mis en évidence. Cependant, l’expédition vers plusieurs départements suppose toute une logistique pour regrouper et livrer en temps utile une multiplicité de commandes. La petite flotte de camions réfrigérés dispose d’une vaste aire de stockage qui facilite le travail. Cependant la question de l’énergie se pose. Pour l’importante consommation électrique des installations, heureusement un contrat triennal vient d’être signé et laisse un peu de répit, quant aux distances qu’impose la situation périphérique du milieu rural, il ne peut que revendiquer à l’avenir une égalité des chances. Terra Alter reste optimiste et pour pallier le manque relatif de fruits bio proposés localement, la décision de s’impliquer en rachetant un grand verger, lors du départ à la retraite d’un producteur de pommes bio situé à Valcabrère dans le 31.Est-ce le premier pas de la coopérative d’insertion vers d’autres activités de production, notamment fruitières, qui manquent localement ?

Au-delà de l’aspect social et militant affirmé de cette plateforme de valorisation des aliments bio et locaux, pour conclure on peut reprendre l’article de Périco Légasse paru dans Marianne du 3 novembre 2022 (dont un extrait est photographié ci- dessous) : « Le plus important c’est ce que mangent nos enfants »

 

  

    Pour le déjeuner notre boucle gersoise continua vers le sud, jusqu’à Miélan, où le restaurant La P’tite Marmite Gasconne a été choisi pour la qualité de son menu du jour, exclusivement à base de produits locaux choisis et finement cuisinés depuis plus de 20 ans, par Joelle et Erick. C’était aussi, avec les fraises Mara des bois très parfumées du dessert, une transition vers la ferme en aquaponie d’Eauzons située Aux Aussats, à quelques kilomètres, ou nous étions attendus. En y arrivant, outre la qualité des serres à double paroi gonflable, c’est l’environnement très fleuri, vibrant de pollinisateurs qui capte l’attention. Julien sera notre guide.

 

« Au commencement était… » ce serait presque un conte…mais avec l’ambition d’innover vraiment dans l’agriculture, notamment urbaine, toujours avec un arrière- plan de fortes compétences et technicité. Afin de produire du goût et du sens.

   Ainsi donc 4 amis, anciens de l’agro, décident pour retrouver du sens et des valeurs de s’impliquer dans un projet commun d’Aquaponie. Une vieille pratique associant la production de plantes et l’élevage de poissons que connaissaient déjà les aztèques ou des riziculteurs asiatiques. Mais qu’ils considèrent aujourd’hui comme une solution d’avenir pour alimenter localement en aliments frais et de qualité, surtout les milieux urbains. Car les unités de productions peuvent se limiter entre 1 ou 2 ha. Pour concrétiser le premier pilote expérimental Jean Albert Massenet ancien DG chez Euralis, aujourd’hui consultant et président de cette sorte de startup, propose une parcelle sur sa ferme d’Eauzons, Aux Aussats dans le Gers. Félix Haget de retour en métropole après avoir réussi la création d’un important projet en aquaponie près de Tahiti, accepte de rejoindre l’équipe en gestation et devient Directeur Général du projet, appelé à se démultiplier bientôt notamment derrière la zone commerciale Quartier Libre à Lescar (64230).

   L’aquaculture orientée ici vers la truite et le saumon de fontaine comme la production végétale qui lui est associée, constituent un système agroécologique qui a le mérite d’être très économe et vertueux. L’eau recyclée circule en circuit fermé ce qui représente une économie de 90% pour la pisciculture. Au passage les excréments de poissons sont séparés et les bactéries qu’ils contiennent, boostées dans des cuves spéciales (photo 2 ci-dessous), pour fournir aux plantes les nutriments de base dont ils ont besoin pour se développer. Ceci dans une atmosphère régulée en partie par la conception isolante des serres à double paroi qui permet en outre une protection biologique intégrée avec utilisation de phéromones et introduction de pollinisateurs ou insectes régulateurs.

 

 

Quatre serres complètent l’espace piscicole attenant et sont dédiées à la production végétale avec des surnoms évocateurs : feuilles dont diverses salades et choux chinois, aromates dont aneth, basilics, ciboulettes, ratatouille autour des tomates, sans oublier fraises délicieuses, physalis et même d’inattendus plants prometteurs de vanille, encore en phase de croissance. Ici jamais de sol, toute la production est surélevée pour faciliter la manutention et conduite sur des lignes de contenants plastiques avec des trous finement adaptés aux différents types de végétaux. Leurs racines peuvent ainsi se développer largement (photo 1 ci- dessous) dans la circulation d’eau enrichie à partir des déjections de poissons. Seules les tomates  ou la vanille ont des supports de culture inertes et plus compacts.

 

Donc pratiquement pas d’engrais ou pesticides, un nécessaire complément énergétique est limité par la qualité d’isolation des serres. Ce fonctionnement « circulaire », s’il se confirme comme étant soutenable dans le contexte énergétique des années à venir, pourra alors offrir des perspectives pour un complément d’alimentation urbaine en produits frais de proximité conservant un peu de goût et de qualités nutritionnelles. Ce qui a permis au Président Massenet de nous dire : « le sol vivant, ça nous parle », même ici avec du hors sol !