Sortie Forêt du Bager puis Lasseube : Maraîchage sols vivants - samedi 12 mars 2022


Une matinée consacrée à mieux comprendre la forêt, un repas aux Bains de secours et l'après midi  : les Jardins d'humus à Lasseube, lieu de production et de rencontres,  animé par Anna et Maxime.


La forêt du Bager


La forêt du Bager a fait l'objet d'un article dans la République des Pyrénées le 14 décembre 2022 : cliquer ici


 

    RD 918, à l’ouest d’Arudy, le bois du Bager finit à peine de s’ébrouer d’une nuit pluvieuse. Déjà des trainées de ciel bleu de bon augure, montent derrière l’enchevêtrement sombre et encore hivernal d’arbres et de branches, qui nous enferment.

 

 

   Jean Touyarou, ingénieur forestier, sera notre guide.

 

    Il est venu nous apprendre à découvrir autrement la forêt, à changer notre regard pour mieux la comprendre, à considérer l’arbre comme un être vivant indispensable, loin d'un simple décor.

 

   Présent sur terre depuis 400 millions d’années, immobile, arrimé au sol par d’importantes racines, l'arbre avec opportunisme, a toujours su s’adapter pour se reproduire et ainsi se déplacer au gré des changements climatiques.

 

 

 


 

   A la fin de la dernière glaciation, il y a environ 20000ans, la végétation ici, n’était que toundra de mousses et de lichens. Il ne fallut quelques millénaires pour que saules, frênes, bouleaux et autres, entament la reconquête et que s’implante enfin l’écosystème forestier actuel fait surtout de hêtres et de sapins, car sur ce versant nord, le chêne est à sa limite supérieure.

 

   Une forêt qui cependant, depuis la hache du néolithique, a toujours été plus ou moins façonnée par l’homme en quête de ressources diverses. Il l’a aussi parsemée d’essences exogènes, comme d’abord l’acacia robinier, le châtaignier, puis plus tardivement de romantiques séquoias, chênes rouges d’Amérique et même tulipiers de virginie, qui flamboient en automne. Le hêtre domine, mais qu'adviendra-t-il si le climat change vraiment?

 


 

   En descendant un peu, on enjambe un de ces petits « arrecs » dont le vallon plus vert et d’ambiance plus humide, favorable à différentes fougères, permet de définir la notion d’écosystème, associant biotope et biocénose. L’occasion aussi d’observer le « millefeuille » de la forêt.

 

 

  Sur le sol, la litière forestière de feuilles caduques en voie de décomposition lente alterne avec différentes variétés de mousses, lichens qui remontent le long des troncs d’arbres sans vraiment indiquer le nord, dans ce milieu trop humide. Puis vient la strate herbacée inféodée à la hêtraie avec seulement quelques fleurs bien discrètes, de très rares champignons, sauf sur quelques souches ou bois morts. Le fragon ne forme que quelques touffes denses dans un sous-bois plus clair de noisetiers, qu’apprécie le rouge gorge.

 


Les grands arbres forment l'étage supérieur et lorsque viendront les feuilles on remarquera que les houppiers en général se respectent plus qu'ils ne s'entremêlent. La science découvre que le monde végétal communique, se respecte, s’entraide et s'équilibre beaucoup plus que ne le pensait Darwin.  La revue Nature a popularisé le concept d' internet des sous-bois : Wood-Wide Web qui relie par un réseau de racines interconnectées grâce a des filaments mycorhiziens  : arbres, plantes , champignons, d'une forêt. Ainsi ils communiquent , peuvent mutualiser l'eau et toute sorte de nutriments voire partager certaines informations de survie.

Lorsque nous arrivons au bord du Gave d'Ossau, jean Touyarou nous fait découvrir la magie d'une rare frayère à saumons sauvages, venus d'un  lointain Atlantique, pour se reproduire  sur leur lieu de naissance. Une frayère c'est d'abord un lit  constitué de galets roulés et de sable très propre, sans algues ni mousses liés à une  pollution, ou le courant s'apaise sur une alternance de vasques sombres et de bancs bien peu profonds.Les deux rives sont ombragées et le milieu forestier les isole des activités humaines. Ce qui est important c'est aussi la

présence latérale d'un petit bassin naturel et préservé, drainé à cet endroit par un ruisselet affluent qui apporte à la frayère des odeurs spécifiques d'humus et de végétation. Elles imprimeront avec les excréments des jeunes tacons de sa génération,le souvenir olfactif du saumon qui devenu adulte, entreprendra malgré les périls, le grand voyage de retour vers ce lieu précis de sa naissance pour y déposer à son tour les œufs de la vie.



 

 

 

 

Extraits des interventions de Jean Touyarou lors de la conférence débat du 26 novembre 2021 (cliquer ici) relatée dans le trimestriel d'Emmaüs Le Cairn de janvier 2022



 Suite de la sortie   :  Le restaurant des Bains de Secours à Sévignacq-Meyracq

Pour clôturer cette matinée très pédagogique où nous avons pris conscience du rôle important de l'arbre et de la forêt, qui finalement recoupe nos préoccupations concernant la perte de la biodiversité et les travers du productivisme dégradant notre alimentation, c'est avec grand plaisir, que nous allions retrouver la table du chef Jean Pierre Paroix. Un fidèle de longue date, des idées que nous défendons.

La grande salle nous étant réservée pour notre groupe de trente convives, très vite nous pûmes constater que le savoir faire que nous apprécions et recommandons, n'avait en rien souffert de l'épisode Covid. Unanimement nous fûmes agréablement surpris par la finesse délicate de ce velouté de légumes  aux vieux fromages d'Ossau qui constituait une remarquable entrée en matière. Quelle bonne idée!

La suite également inscrite dans la tradition, était un clin d’œil sympathique aux produits que Slow Food met en valeur , à savoir la race bovine béarnaise et le maïs grand roux que le Chef Alain Ducasse inscrit aussi à sa carte.

Mijoté en cuisson lente, le veau béarnais était remarquable en bouche par sa tendre texture presque fondante et ce bouquet de saveurs délicatement combinées à l'onctuosité de la polenta au maïs grand roux ponctuée des notes forestières de quelques girolles ou de l'acidité bienvenue de quelques légumes . Le baba au rhum rehaussant le greuilh ossalois ponctuait  ce repas qui nous fait regretter la légitime aspiration à la retraite du chef! Dépêchez-vous d'y aller!

 



Et pour terminer cette riche sortie: Les Jardins d'humus à Lasseube.

Déjà riches d'une expérience professionnelle dans le domaine agricole et notamment l'élevage pour Maxime ou dans la communication et l'animation de l'Université du Temps libre à Pau pour Anna , le couple à pu racheter il y a quelques années les installations d'un maraîcher, pionnier de l'agriculture biologique. Sept ou huit serres sous plastique encore en bon état et une parcelle de plein champ constituaient un beau défi pour amorcer un nouveau défi.

Maxime qui avait une expérience auprès de la ferme Emmaüs de Lescar à fait le choix d'une transformation complète du système bio relativement intensif et mécanisé pratiqué antérieurement. Le passage du tracteur soulevant beaucoup de poussière, révélait le manque de matière organique et de vie dans le sol, que les engrais biologiques ne suffisent pas à maintenir. Le choix courageux de cultiver désormais en sol vivant, supposait l'abandon de la plupart des outils motorisés, au profit de la Campagnette à roues (grelinette évoluée) et donc d'un travail manuel plus intense que le couple ne pourra assumer en totalité. Mais c'est surtout le sol des serres qui fut l'objet de la principale mutation.

Des planches standardisées et légèrement surélevées de 16m sur 2m, furent partout crées et correspondent à la dimension de bâches tissées pouvant venir les recouvrir selon les cultures. Et c'est surtout l'apport en surface d'une épaisse couche de compost recyclant les déchets verts urbains (et fourni par Loreki à Lescar) qui allait en quelques années aboutir à la constitution d'un sol bien vivant, riche en vers de terre et autres microorganismes  assurant à la fois la vie et la fertilité. Inspirées par la permaculture, les

 fleurs ( soucis, capucines ,bourrache, tagète) et même des agrumes, relai des mycorhizes, sont désormais présents dans les serres à la disposition des pollinisateurs et des prédateurs naturels introduits pour lutter contre les parasites. Visible sur la photo un voile vert est déployé l'été pour limiter la chaleur dans les serres et deux systèmes, par aspersion ou goutte à goutte , sont possibles à partir d'un ruisseau voisin  qui ne dispense pas d'économiser l'eau. le manque de main d’œuvre ne permet pas encore une utilisation optimale de toute la surface couverte par les serres.

 


La commercialisation perdure sur le marché d'Arudy, est initiée et commence à se développer à la Halle Bio de Billère, mais s'effectue surtout localement sous forme de paniers et d'un petit marché à la ferme le mercredi après midi avec l'accueil d'autres producteurs. Cette initiative permet à Anna de développer parallèlement toute une réflexion associative et communication autour de l'écologie et notamment de la biodiversité. Comme sur la photo le "Café bio",  installé si possible en plein air, permet les échanges autour d'une remarquable tisane de plantes fraîches cueillies sur place. Un moment privilégié où fut souligné par Jean Casaubieilh le rôle important des "néoruraux" dans l'évolution des pratiques agricoles locales et la sensibilisation aux problèmes écologiques actuels. Dommage qu'il n'y ait pas une synergie plus forte avec les orientations de la nouvelle Municipalité de Lasseube.


La production de plants bio occupe plusieurs serres à côté de l'activité maraîchère et est amenée à se développer grâce à l'emploi d'une aide saisonnière. Étant donné le succès des jardins potagers familiaux en recherche de qualité, de naturel, sans produits chimiques, la demande se développe pour ces plants certifiés bio. Déjà, ils représente la part la plus importante du chiffre d'affaire actuel, qui ne permet pas encore la mise en œuvre de tous les projets.


La fille de Maxime et Anna au petit soin des  brebis sur le point de donner naissance à leurs agneaux.

Ces deux brebis ont été séparées du reste du troupeau afin de finir leur grossesse en toute quiétude.

Tout un symbole d'avenir vers un changement de modèle agricole avec une prise en compte de la biodiversité que les rives boisées du ruisseau en contrebas entretiennent.

Même si la "campagnette" ne trace plus de sillons, c'est bien là, le début début d'une aventure qu'il faut encourager et soutenir car elle correspond à nos idées.