Les hauts d'Aubertin et Saint Faust - Domaine Ekoto et La Plume Bio - samedi 2 avril 2022


 

     Deux de nos adhérents nous ayant signalé la qualité des produits frais de porc noir gascon achetés sur les marchés d'Orthez et de Montardon ( et aussi place Jules Gois à Billère), nous  étions d'autant plus curieux de les découvrir dans cette version gasconne, que nous connaissons bien leur homologue de Bigorre, classé Sentinelle Slow Food. Comme en plus ils participent à la valorisation d'une dizaine d'hectares de forêt, la continuité  avec notre précédente sortie en forêt du Bager devenait évidente. Tandis que la difficile situation de l'élevage de volailles plein air, gravement compromis par l'épidémie grippe aviaire, justifiait l'après midi un échange avec Isabelle Claverie devant Plume Bio, sa ferme proche, située sur la commune de Saint Faust.


               Le Domaine Ekoto : Forêt, porc noir, Jurançon et jonquilles!

     

Sur les confins de la commune de Lasseube, route d'Aubertin, on découvre en même temps que le  domaine Ekoto joliment rénové, un panorama exceptionnel, magnifié en ce matin froid d'avril, par l'abondante neige récente, qui  souligne la chaîne Pyrénéenne. Loïc Richard nous accueille. Géologue chez Total, il a choisi d'interrompre sa carrière au début des années 2000, pour changer de vie avec son épouse Alexandra, en achetant cette propriété plutôt en mauvais état , constituée surtout de bois sans grande valeur et de quelques parcelles de vigne à l'abandon ou de prairies en pente vouées dans un premier temps à l'élevage ovin. Le défi pour parvenir à valoriser cet espace modeste et ingrat était de taille, et demandait autant de courage que de moyens, pour concevoir ce pimpant Domaine Ekoto .


 

   Le porc noir gascon: l'autre valorisation de la Forêt.

 

   Cette race particulière, présente autrefois sur le piémont des Hautes comme des Basses Pyrénées est apparentée au célèbre porc ibérique connu pour ses excellents jambons "pata negra de bellota". Délaissée chez nous presque au point de disparaître, elle a retrouvé en Bigorre à travers un label réputé, ses lettres de noblesse car son gras et sa viande persillée riche en oméga 3, sont incomparables, si l'élevage se fait en sous bois et près, avec aussi des céréales autres que le maïs. En Béarn, une conduite d'élevage identique, assure aux produits du porc noir gascon les mêmes qualités gustatives. Le domaine Ekoto a cette

La neige et le verglas annoncés étant heureusement absents, c'est quand même très emmitouflés que nous écoutons les premières explications. Et surprise, c'est suite à un échange avec Jean Touyarou qui s'occupait alors des forêts privées, qu'est née la première idée pour valoriser les dix hectares de bois de faible qualité.

Des plaquettes pour  chauffer de grands bâtiments.

On aperçoit sur la 2ème photo,derrière le groupe, le broyeur de branches et autres bois (jusqu'à 25 cm de diamètre) de fabrication autrichienne, acheté d'occasion et actionné par un tracteur. Sa double coupe donne des plaquettes très régulières qui doivent rester en tas pour sécher, environ 2 mois. Une benne les transporte ensuite vers un silo en béton enterré (photos suivantes) ou elles sont stockées avant qu'un mécanisme à pales les dirige vers la vis sans fin qui alimente la chaudière. Celle-ci, également de marque autrichienne, a un rendement exceptionnel de 98% qui justifie un label sans pollution. Les cendres d'une année sont d'une finesse exceptionnelle  et contiennent dans le box que l'on voit sur la photo.

Certes l'investissement de l'ensemble est conséquent, mais en cette période où il faut se faire à l'idée que la gabegie de l'énergie fossile s'achève, l'autonomie du Domaine pour tout le chauffage  est appréciable. D'ailleurs cet exemple écologique fait école auprès d'agriculteurs voisins qui louent le broyeur .


chance, avec seulement 6% de maïs dans les aliments achetés, qui ne sont pas encore bio faute d'autonomie. Seul le lourd verrat et 2 truies reproductrices sont en permanence confinés dans la pénombre du bâtiment, mesures de biosécurité obligent. Car la peste porcine qui sévit dans le nord et se diffuse surtout par les sangliers, impose des contraintes de précaution à tous les élevages français. Ici plus de 8 hectares divisés en parcs ont des clôtures électrifiées parfois doubles qui isolent difficilement de la faune sauvage, et entraînent des frais. Notons  une synergie positive puisque les porcs ouvrent et entretiennent le sous bois facilitant ainsi l'accès  pour extraire le bois à plaquettes. La visite continue à travers les 3 hectares replantés en jeunes ceps de petit manseng.

 

           Le repas très apprécié dans l'exceptionnelle

            Salle à manger du Domaine Ekoto.

Alexandra et Loïc, attentifs aux moindres détails, tant pour l'accueil , le repas,  l'harmonie et l'esthétique des lieux, surent parfaitement mettre en valeur les côtes de porc noir marinées puis grillées à la plancha ou le boudin aux pommes. De quoi rendre ensuite très attirante  la boutique aux charcuteries et viande fraîche, produits rares que l'on peut retrouver sur les marchés cités  plus haut. Elle venue de Pologne , lui de Lyon démontrent qu'il suffit de savoir réévaluer, même sur peu d'hectares,  pentus et boisés, l'extraordinaire potentiel de notre terroir béarnais avec ses traditions oubliées, pour offrir ces produits d'exception, avec un goût raffiné signé Ekoto.

Un appoint inattendu, la forte pente est aussi couverte de pieds de Jonquilles, ramassées il y a peu en boutons , et livrées à un grossiste bordelais. En bout de parcelle classée en bio, Loïc nous a réservé quelques ceps encore en tenue hivernale, pour un exercice pratique  de taille de la vigne. Pas facile de choisir le rameau de seconde année ,qui recourbé portera les prochaines grappes, et de réserver pour l'année suivante, 2 coursons de 3 yeux. Très agiles, Christine et Colette décrochèrent le titre envié de "Mis sécateurs"!

Après un quart d'heure pour passer en versant nord et dans un vert bocage, atteindre une construction récente. Très fonctionnelle, elle abrite notamment du matériel viticole précis (tracteur italien étroit et réversible pour la pente, inter-ceps à palpeurs pour maîtriser l'herbe sans recours aux herbicides). Le côté est, abrite un pressoir qui ménage au mieux la vendange, et surtout la cave bien organisée mais avec peu de cuves inox puisque la fermentation lente se fait en barriques de chêne, dans une pièce climatisée. L'heure solennelle de la dégustation arrivait enfin avec un  petit manseng sec 2021 suivie d'un jurançon doux presque liquoreux  2020. Un délice sublimé par les toasts au boudin de porc noir!

 



       La PLUME BIO . Ou quel risque de la perdre par temps de grippe aviaire!

 

   Le groupe Slow Food Béarn, en cette après-midi 2 avril, avait choisi une halte militante chez Isabelle Claverie dont l'élevage de poules pondeuses et poulets de chair se situe dans un écart de la commune de Saint Faust sur la RD 34. Un lieu  rattaché au classement zone montagne, car les pentes de ce piémont, y sont déjà fortes. Malgré ce relatif isolement et l'avantage d'être resté zone indemne durant cette épidémie d'influenza aviaire, l'élevage n'a pas échappé aux mesures très strictes de biosécurité, et notamment à la claustration généralisée de toutes les volailles du territoire national, en fonction du décret du 6/11/2021.

   Dans ce contexte difficile Isabelle et son conjoint Patrick, ne pouvaient nous recevoir que sur la route, devant leur maison d'habitation et ses dépendances,  à l'écart des différents lots d'élevage qu'il a fallu séparer et ou l'on ne pénètre qu'en passant par des sas de sécurité. Dans la sérénité de ce paysage, quand on sait qu'il fonctionne en autarcie , sans échanges extérieurs, on a du mal a admettre que cet élevage, normalement de plein air avec accès à l'herbe, soit ainsi soumis à ces contraintes sanitaires draconiennes, qui le dénaturent dans ses objectifs de qualité et multiplient les heures de travail.  Sur un versant opposé nous pûmes quand même aller voir un début d'élevage de chèvres pyrénéennes avec ce bouc aux cornes  remarquables.

 


   Après avoir passé une dizaine d'années comme conseillère en insertion auprès d'un service social, Isabelle a également opté pour une vie plus proche de la nature et des animaux et racheté en ces lieux 3 hectares de terres agricoles à son beau père. En  formation pour bénéficier d'une installation comme jeune agricultrice elle acquiert aussi auprès d'une poussinière les principes préventifs, réglementaires et sanitaires, très utiles  pour conduire un élevage de volailles. Par conviction, elle ne le conçoit qu'en bio et s'initie donc à l'utilisation à l'aromathérapie,aux huiles essentielles et autres moyens naturels préventifs pour limiter les recours vétérinaires.

 

   Outre les investissements, les trois premières années furent particulièrement difficiles. Sa première bande de poulets fut décimée par des chiens errants. La seconde année c'est la tempête qui renversa et détruisit 2 cabanes achetées d'occasion, heureusement bien couvertes par l'assurance. Enfin la grippe aviaire et la covid affectèrent en partie les revenus. Heureusement que sa clientèle des Amaps et de  vente à la ferme, déjà fidélisée et très attachée à la qualité des produits plein air, apporta à Isabelle, un précieux soutien moral. Ses 2 jeunes enfants ne lui permettent pas encore d'aller sur les marchés, il faut donc trouver d'autres solutions.


Avec abnégation et courage,  face aux contraintes  actuelles, seule l'innovation permettra  en plus, de faire une place à son conjoint Patrick. Doué en bricolage, recyclage et autoconstruction, le voici contraint d'abandonner, pour raison de santé, son emploi dans l'industrie. dans sa reconversion, il peut apporter encore 7ou 8 hectares cédés par son père. Mais les terres utiles, épuisées par l'agriculture intensive, devront être régénérées (nous avons communiqué sur le bactériosol !). Limitées par les pentes, il sera difficile à terme de parvenir à l'autonomie en céréales et protéagineux? Or dans le contexte récent de tensions internationales cela devient un point faible. Depuis le début de l'année le prix à la tonne de soja toasté à augmenté de 50% et il va falloir en trouver 5 tonnes, ce qui en bio n'est pas évident. Il manque une structure de mise en relation producteurs- éleveurs bio, pour faciliter au niveau des Pays de l'Adour cette complémentarité permettant à ceux qui comme Isabelle et Patrick se sont équipés pour produire leur propre aliment bien  adapté à l'âge des volailles, de pouvoir continuer à le faire. Pour diversifier davantage, outre les quelques chèvres et chevaux déjà présents et bien adaptés à l'entretien des pentes , Patrick fait aussi ses débuts en apiculture, malgré les difficultés actuelles. Pour installer les parcs d'élevage , trop d'arbres existants ont été, à tort, éliminés. Il faudrait envisager la création d'un paysage plus agroforestier pour protéger du vent, des oiseaux prédateurs et enrichir la biodiversité. Quant aux renards, l’agrément piégeur est loin de suffire! 

Les consommateurs doivent réagir

    L'épidémie récurrente de grippe aviaire prive les éleveurs de plein air de visibilité à moyen terme, et risque de les décourager. D'autant plus que toutes les mesures gouvernementales, notamment depuis 2020, sont prises uniquement dans le but de préserver les élevages  industriels alors que la diffusion du virus et son inquiétante  fulgurance actuelle est essentiellement due à la densification dans des bâtiments surpeuplés ventilés, à la segmentation des élevages et aux transports ainsi générés. Le plein air n'est que le bouc émissaire d'un principe de précaution mal ciblé et exagéré. Si pour l'heure, Isabelle est restée à l'écart du virus aviaire et n'a pas trop souffert économiquement du Covid, par contre elle a été pénalisée récemment par l'intransigeance des services vétérinaires . Un test salmonelle s'étant révélé positif sur un lot de poules prêtes à pondre, elle s'est heurtée au refus d'une seconde analyse de confirmation, alors que tout le reste de l'élevage était négatif.  Sans vérification ni précaution, elle a subi l'euthanasie de ses poulettes!

     Notre groupe en prenant conscience de  la technicité et des difficultés du métier, aggravées par ces contraintes sanitaires injustifiées,, alors que les produits de qualité de ces petits élevages commencent à manquer, ne peut répondre que favorablement à la nécessaire solidarité producteurs- consommateurs que sollicite Isabelle.

   Sur la photo ci-dessus on distingue l'ancien emplacement d'une cabane qui a été déplacée, il y a seulement 8 mois. Pendant ce vide sanitaire, une prairie très riche en plantain , trèfle, vesces et autres graminées s'est vigoureusement réinstallée dans l'attente de la prochaine bande de poulets. Ils trouveront  bientôt là, outre leur bien être, tous les compléments naturels dont ils ont besoin, en plus de l'espace.  c'est l'herbe qui apporte aux volailles les oméga3 et autres nutriments indispensables à leur santé comme à celle des consommateurs. Ici, des poulets à croissance lente  auront des muscles , du goût, avec une espérance de vie de 100 à 120 jours. Quelle différence  avec ceux par exemple entassés dans ces méga-poulaillers du néerlandais Plukon (ex Duc), qui se targuent de produire par an, 42kg de "souffrance animale" au m2 couvert. Ces poulets à croissance rapide auront très mal vécus claustrés et entassés, au mieux 39 jours, avant leur arrivée à l'hypermarché. Slow Food dénonce cette malbouffe,  cyniquement destinée à maintenir du pouvoir d'achat, même si au final elle coûte cher à la sécurité sociale.

     Des associations "Sauve qui Poule" se multiplient en France pour obtenir une réglementation spécifique aux petits élevages de plein air. Nous avons rejoint Isabelle et d'autres éleveurs et représentants d'AMAPs pour animer le Conseil Collégial de la toute nouvelle association béarnaise : "Sauve Qui Poule   Au pot du Béarn".

Pour mieux en connaître les objectifs et accéder à la page Facebook faire: sauvequipuledubearn.

Pour  contacter:sauvequipoule.bearn@laposte.net

 


CONCLURE en PROLONGEANT cette SORTIE

Par une synthèse de vraie  gastronomie béarnaise.

  • Mettez 2 fines tranches de ventrèche de porc noir signées Ekoto, directement dans la poêle, et retournez les assez vite, pour les faire frisoter sans les durcir ni roussir.
  • Cassez à cheval, un œuf Plume bio au jaune orangé, juste cuit , sans sel ni poivre, et déguster.

Oubliez le cholestérol, c'est du gras riche en oméga 3!

Si vous regrettez de n'avoir pu pu participer à la sortie, si vous voulez y revenir avec des amis ou autres,

Le Domaine Ekoto va participer le dimanche 24 avril de 10h à 18h à la journée de Fermes en Fermes. Le repas y sera possible sur réservation : Loïc Richard 0671574880. Une bonne occasion pour se remettre d'une journée compliquée.