Terra Madre 2022

 

 Toujours Jumelée avec Salon bisannuel du Goût organisé par Slow Food à Turin, et après l’interruption liée au Covid en 2020 ou tout ne fut que virtuel, cette nouvelle rencontre internationale Terra Madre, était attendue avec beaucoup d’intérêt. Devaient s’y retrouver des délégués venus de quelques 150 pays, autour du nouveau thème-slogan : « Régéner’Action ». Choisi par Slow Food pour affirmer l’implication de notre mouvement, notre envie d’agir, afin d’accompagner positivement la nécessaire transition éco-climatique. Un concept ressenti comme fédérateur au niveau international, car il invite à respecter enfin au niveau d’une planète surexploitée, tout le potentiel de la nature et ses multiples facettes liées à la biodiversité, pour régénérer notre environnement très dégradé et notre façon de vivre.

  

    C’est sur le site d’anciennes usines Michelin dans le nord de Turin, transformé en parc urbain « Parco Dora », végétalisé, mais avec des restes de structures métalliques assurant un grand espace couvert ou simples témoins esthétiques d’un passé effacé. Les lieux d’accueil, les salles de conférences ou de rencontres situées à un quart d’heure à pied, voire au-delà dans la ville, pour certaines activités, étaient loin de faciliter la participation, avec l’obstacle de transports publics plutôt complexes et longs. Heureusement les « Volontaires » retraités ou étudiants, étaient toujours aussi nombreux pour renseigner et faciliter au mieux le déroulement des activités.

       Ceux qui ont connu le prestige et l’ambiance très colorée des Terra Madre antérieurs à 2018, ne pouvaient que ressentir les effets limitants des années Covid et des restrictions financières. Des délégués moins nombreux, des producteurs de base remplacés par quelques coordonnateurs, beaucoup moins de Sentinelles internationales. Tout cela on peut le comprendre dans le difficile contexte actuel et remercier Slow Food pour les initiatives extraordinaires qu’il avait su créer en des temps plus propices. Même le Salon du Goût attenant, sous des barnums peu adaptés à la mise en valeur de produits alimentaires exceptionnels, mais réduits à une provenance italienne, souffrait de l’absence de décor et d’une ambiance moins internationale et moins gastronomique que la restauration de rue était loin de compenser.

  

   Trêve de nostalgie ! Même réduit et un peu en retrait des flonflons gastronomiques, le Terra Madre 2022 était bien dans l’air du temps. Sobriété avec un décor de palettes de bois recyclé délimitant les différents espaces. Biodiversité et Régéner’Action avec un vaste visuel panoramique diffusant en plusieurs langues des messages simples mais percutants. Éducation avec de remarquables supports pédagogiques très fréquentés ciblant surtout la jeunesse, celle qui demain sera confrontée à une planète trop dégradée et à l’obligation de vivre autrement, en régénérant avec le peu de nature et de biodiversité qu’il subsistera. Espace opportunément dédié aux rôle positif des jardins et aux sols vivants.

   A noter aussi ce nouvel espace militant, proposant des formes d’actions avec des kits et de souhaitables partenariats. On sentait bien que l’épisode Covid qui a accéléré les mutations économiques et sociales au niveau planétaire, ne pouvait laisser Slow Food dans une bulle préservée. D’autant plus qu’une crispation conflictuelle a suivi, désorganisant l’état du monde, celle d’une énergie finissante qui sape l’économie, alors que les menaces climatiques deviennent de plus en plus perceptibles. Il fallait donc rebondir : Terra Madre a tenté de le faire au mieux !

 

   Si beaucoup de conférences, ateliers thématiques ou rencontres de délégués (comme celle de la France) ont eu lieu à l’extérieur du Parco Dora, quelques espaces largement ouverts à un public assez jeune, offraient des lieux d’animation très simplement conçus , par exemple avec des sièges en carton, mais colorés par une profusion d’affiches ou de slogans mobilisateurs. Seuls les ateliers de dégustation bénéficiaient d’un plus grand confort d’écoute, d’ustensiles adaptés et toujours du même rituel de mise en scène.

 

  L’espace dédié aux jardins et à la vie du sol, encore plus naturel et largement ouvert, venait souligner l’importance de la pratique du jardinage et du relai pédagogique qu’il peut constituer dans le prolongement du projet des 10000 jardins en Afrique et du réseau mondial que Slow Food cherche à structurer.

   Par contre l’idée d’inviter largement et de regrouper comme emblématiques d’une biodiversité à sauvegarder, des produits de tous pays, classés dans l’Arche du goût, ou tout simplement remarquables et menacés, a été compromise par son succès. Débordés et sans classement les stands dédiés et nettement insuffisants ne donnaient qu’une piètre idée de l’important travail pionnier que Slow Food a entrepris depuis 20ans. Il est peut -être temps de dépasser la seule classification variétale, pour considérer tout l’écosystème que l’on parvient à créer en associant plusieurs plantes. Comme par exemple la milpa au Mexique.  

   Enfin une mention spéciale à l'espace que Slow Food avait décidé de dédier à l'Ukraine : beaucoup d'émotion et des danses!

Particulièrement appréciée aussi la pédagogie ludique dénonçant le mal-être animal et la nourriture industrielle qui l’accompagne a base de soja et de maïs néfastes pour la planète. Par opposition ce menu avec graines de lin et autres gourmandises proposé à la cafétéria des poulettes mettant en exergue la poule noire gasconne !

 

  Quant à l’intervention que l’on nous avait demandée sur la façon naturelle de préserver la santé et la résistance des plantes au jardin potager notamment avec des extraits fermentés, nous avions quelques inquiétudes en proposant aux quatre vents et devant un public cosmopolite de faire comprendre, certes avec l’aide précieuses de traductrices, par exemple  les notions de Redox liées au Ph du sol , ou la description des conditions favorables d’un sol vivant pour qu’une plante résiste au mieux aux maladies et autres ravageurs, sans engrais ni pesticides . Nous fûmes agréablement surpris par la qualité de l’écoute : le questionnement sur le rapport entre l’homme et la nature, c’est-à-dire entre vivants, émerge partout et devient universel.

Terra Madre, c’est toujours un peu magique !