Sols vivants et Agroécologie : clarifions!

 

 

        « Sols vivants est un très beau slogan pédagogique » écrit Marc André Sélosse. Si, scientifiquement, ce n’est pas un être vivant, le sol est cependant un exceptionnel milieu de vie. C’est en ce sens que nous optons pour ce slogan grand public, avec l’espoir qu’il nous permette de partager plusieurs messages :

 

·                    L’agriculture conventionnelle, largement dominante, très dépendante de l’agro-industrie, non durable, devient obsolète. Elle détruit la vie du sol et donc la qualité nutritionnelle de nos aliments. Trop orientée vers l’élevage industriel, les produits ultra-transformés, elle est trop souvent associée à la malbouffe.

 

 

·                    Changer de modèle agricole devient une priorité, si on fait le lien entre alimentation et santé, si on raisonne globalement de « la terre à l’assiette » afin de préserver aussi notre environnement.

 

 

·                    Face au changement et au dérèglement climatique, à l’érosion accélérée et inquiétante de la biodiversité notamment domestique, il convient maintenant de changer fondamentalement notre rapport à la nature. L’humain doit retrouver une place plus modeste, « vivant parmi les vivants » selon Bruno Latour, dans le respect des écosystèmes. Ne plus prétendre dominer la nature ou l’exploiter sans limites, mais au contraire apprendre à mieux l’utiliser, travailler avec, et non contre. Donner la priorité au maintien des conditions d’habitabilité de la planète et non, au seul développement de la production dans un monde globalisé mais fini.

 

 

·                    Plus qu’une transition écologique, c’est un changement de paradigme qui doit advenir. En agriculture, il est déjà en émergence sous différents vocables et en multiples lieux : agriculture biologique, permaculture, agriculture de conservation, agriculture régénérative. Mais c’est le terme « Agroécologie » fusionnant deux approches trop longtemps jugées incompatibles, qui exprime le mieux et de façon la plus enveloppante, ce principe d’interaction avec la nature, inconcevable sans sols vivants.

 

 

·                    Jean-Pierre Sarthou de l’INRAE Toulouse, propose même cette définition simplifiée de l’agroécologie : « Pour l’agriculteur, c’est faire travailler le plus possible la nature à sa place ».  A écouter en suivant le lien :    https://www.youtube.com/watch?v=imc-fLyPfEE

 

 

Les éditions Actes Sud viennent par ailleurs de publier deux ouvrages qui apportent des précisions récentes (fin 2021) et utiles, à différentes échelles : Vandana Shiva, Jacques Caplat et André Leu – Une agriculture qui répare la planète et Demain une Europe Agroécologique de Xavier Poux et Pierre-Marie Aubert. Et ajoutons de Marc André Sélosse :  L'origine du monde , une histoire naturelle du sol....

 


Agroécologie : une lente gestation en France.

 

 

Lorsque le terme « agroécologie » est proposé pour la 1ère fois, en 1928 aux USA, par Basil Bensin, c’est pour préconiser seulement l’application des méthodes de l’écologie (non encore reconnue comme une science) à la recherche agronomique. Le sens du mot ne s’étoffera ensuite que très lentement. C’est surtout Eugène Odum (Université de Géorgie) qui en 1969 va le préciser et l’élargir à l’issue d’un congrès, en l’associant à la notion d’agroécosystème dans une approche systémique, qui se déploie alors rapidement et enrichi tous les concepts de l’écologie, surtout à partir de 1970.

 

Des personnages emblématiques : René Dumont, Marc Dufumier, Dominique Soltner, voire Pierre Rabhi ou Bernard Charbonneau (en Béarn), commencent alors à rapprocher agrosystèmes et écosystèmes, en prônant le respect de la nature, en ajoutant des dimensions économiques, sociales ou politiques. Une façon de trouver un écho favorable.

 

Parallèlement en Amérique latine divers foyers de recherche innovent à partir des savoirs faire paysans et du respect de la vie du sol. Ana Maria Primavesi au Brésil dès les années 60, avec notamment son remarquable film d’animation « A vida o solo », est un peu pionnière. Dans ce même pays et ailleurs, l’agronome français Lucien Séguy, après de multiples suivis d’expériences théorisera notamment le Semi direct sous Couvert Végétal Permanent (SCV) » puis l’Agriculture de Conservation des Sols (ACS). Cuba confiné sur le plan agro-alimentaire par le blocus économique doit rechercher des alternatives à la révolution verte sur ses terres collectives. C’est encore par une réhabilitation des savoirs paysans et sa transmission directe de campecino a campecino (CAC) que ce pays innovant par obligation, évoluera vers une autre agriculture basée sur un retour à la fertilité naturelle des sols.

 

Miguel Altieri professeur exilé du Chili, à l’Université de Berkeley, synthétisera toutes ces avancées latino-américaines en 1983 en publiant : L’agroécologie, bases scientifiques d’une agriculture alternative (paru en France en 1986 avec une préface de René Dumont). C’est l’émergence d’un nouveau paradigme scientifique, construit surtout en réactivant ces connaissances déjà contenues dans divers savoirs faire paysans, mais avec une approche holistique qui intègre : système agraire, environnement, paysages, et en plus une perspective de durabilité de l’agriculture.

 

Lorsque Slow Food invite Miguel Altieri au Terra Madre de Turin en 2008, c’est pour lui l’occasion de partager ses analyses avec d’authentiques paysans venus de 150 pays, et par la même occasion de sensibiliser tous les participants-consommateurs, à l’agroécologie. Même chose avec l’altermondialiste venue d’Inde, Vandana Shiva. Vice–Présidente de Slow Food ses premières expériences d’agroécologie paysanne, initiées par son association Navdanya, qui sont une façon indirecte de continuer la résistance face à la pression de l’agrochimie et des OGM, trouveront un écho particulier, accentuant la diffusion de l’approche agroécologique qui a commencé en France comme en Europe, surtout au début des années 2000.

 

Dans notre pays ces idées nouvelles sont freinées par la tradition de la Recherche qui continue de dissocier l’agronomie de l’écologie et surtout par une suspicion de récupération qui se cristallise lors de la création en 2007 l’Institut de l’Agriculture Durable (IAD) comptant parmi les membres fondateurs du Collège C : Monsanto, Syngenta, New Holland, OCI Nitrogen et autres représentants de l’agrochimie ou grosses coopératives. De quoi rendre nombre d’écologistes particulièrement méfiants.

 

En 2010 l’INRA fait enfin de l’agroécologie un axe privilégié de recherche. Dès 2012, Stéphane Le Foll alors Ministre de l’agriculture commande à cet institut un rapport dont l’objectif serait de tester la pertinence d’une production agricole « plus économe en intrants et en énergie tout en assurant durablement la compétitivité ». Ce dernier mot révèle les préoccupations et certainement le lobbying qu’exerce déjà l’IAD financé par l’agro-industrie. Inspirée par Lucien Seguy, l’agriculture de conservation des sols, va désormais bénéficier de soutiens financiers pour se développer en France. Certes elle met en avant le semis direct sans labour et sous couvert végétal permanent, afin d’enrichir au mieux le sol vivant en matière organique : une bonne pratique agroécologique. Cependant la recherche des meilleurs rendements pour maintenir la compétitivité aurait aussi pour corollaire le recours obligé au glyphosate afin de contenir les adventices, et a des semences sélectionnées pour leur exubérance végétative par les grands groupes spécialisés. (IAD n'oublie pas ses sponsors !).

 

Parallèlement une autre voie, agroécologiquement plus sincère, a bourgeonné autour de différentes initiatives comme : Maraîchage sols vivants, Agroforesterie… qui vont se regrouper en 2018 pour former le « Mouvement pour une agriculture du vivant ». Si des liens semblent persister avec l’IAD notamment au niveau de la formation ou pour l’organisation à partir de 2019 des Rencontres Internationales du Vivant cette association qui veut rassembler « du champ à l’assiette », se dote d’un comité scientifique reconnu, et de partenaires plus nationaux de l’alimentaire et du monde agricole, en oubliant Bayer ou Syngenta. En restant prudents car les engrais de synthèses ou les traitements chimiques ne sont que très limités, pour produire plus et mieux avec moins de moyens, force est de reconnaître désormais l’importance et la qualité de la vulgarisation agroécologique, largement diffusée via internet par la chaîne Youtube : Ver de Terre Production, depuis quelques années.

 

 En étant vigilants mais non dogmatiques, il serait dommage de s’en priver.

 


Objectifs du projet -


Le concept "Sols Vivants", bien qu'abordé implicitement ou explicitement dans un lointain passé, revient en force après un oubli relatif en pleine période de culture intensive ( lire un historique en cliquant ici).

 

Slow Food Béarn se fixe comme objectifs d'accompagner le public dans la compréhension du concept, l'illustration de ses avantages obtenus ou attendus, le descriptif des pratiques de mise en oeuvre, les exemples de réalisations, le panorama des multiples acteurs, les informations multimédia.

 

Un premier volet des objectifs est pédagogique. Il s'appuiera  sur nos supports de communication, en particulier le site internet de Slow Food Béarn et un diaporama à usage dans le cadre de conférences. Lors de conférences à notre initiative il pourra aussi être fait appel à des intervenants extérieurs qualifiés.

 

Un autre volet pourra être la mise en relation, par interactions au sein du réseau Slow Food Béarn, de producteurs déjà impliqués ou en devenir dans la démarche.

 

Le planning du volet pédagogique ( site internet, diaporama, conférences ) est de l'ordre de 3 à 4 mois.

Pour le volet de mise en relation des producteurs sa réalisation pourrait se faire au fil des rencontres avec les producteurs mais aussi lors d'invitations à nos conférences.

 

Concernant les ressources le projet global s'appuiera sur le bénévolat des membres de Slow Food Béarn sous la responsabilité du président et la délégation des volets aux compétences et motivations de chacun (à définir)

 

Le coût du projet, en grande partie mis en oeuvre par des bénévoles, devrait se limiter à la rétribution d'intervenants extérieurs lors des conférences.


Un projet très - trop ? - ambitieux ! 

... et qui suscite déjà des convoitises ...


Heureusement la nature devrait nous aider